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Un Rite D’Epées
Morgan Rice


L'anneau Du Sorcier #7
Dans UN RITE D’ÉPÉES (tome 7 de l’Anneau de Sorcier), Thor lutte contre son héritage et contre l’identité de son père. Doit-il révéler son secret ? Que peut-il faire ? De retour dans l’Anneau avec Mycoples et l’Épée de Destinée, Thor est déterminé à se venger de l’armée de Andronicus et à libérer sa patrie – et à demander enfin la main de Gwendolyn. Cependant, il devra apprendre que certaines forces le dépassent. Gwendolyn revient d’exil et fait tout son possible pour incarner le grand souverain qu’elle est destinée à devenir, en utilisant son intelligence et sa sagesse pour unir les forces de l’Anneau et chasser Andronicus pour de bon. Quand elle retrouve Thor et ses frères, elle profite d’une brève accalmie pour célébrer leur liberté. Cependant, les choses changent très vite – trop vite – et, en l’espace d’un instant, un événement bouleverse sa vie. Sa sœur aînée, Luanda, jalouse, est bien décidée à lui arracher son pouvoir, tandis que le frère du Roi MacGil survient avec son armée pour prendre le trône. Les assassins et les espions sont partout. Gwendolyn, assiégée, devra apprendre que le rôle de reine n’est pas aussi sûr qu’elle ne le pensait. Au même même où l’amour de Reece pour Selese refleurit, son ancien amour reparaît. Reece se trouve déchirée entre les deux femmes. Cependant, la bataille occupe bientôt toutes ses pensées, comme Reece, Elden, O’Connor, Conven, Kendrick, Erec et même Godfrey se retrouvent obligés d’affronter l’adversité ensemble pour avoir une chance de survivre. Leur combat les conduit aux quatre coins de l’Anneau. La course pour chasser Andronicus et sauver l’Anneau commence. Gwen réalise alors qu’elle doit absolument trouver Argon pour le ramener. Un incroyable rebondissement enseigne à Thor une terrible leçon : ses pouvoirs ne sont pas sans limite et s’accompagne d’une faiblesse cachée. Une faiblesse qui pourrait bien causer sa perte. Thor et ses compagnons pourront-ils libérer l’Anneau? Vaincront-ils Andronicus? Gwendolyn deviendra-t-elle la reine dont le peuple a besoin? Que deviendront l’Épée de Destinée, Erec, Kendrick, Reece et Godfrey? Quel secret Alistair cache-t-elle?Entre univers sophistiqué et personnages bien construits, UN RITE D’ÉPÉES est un conte épique qui parle d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations politiques, de jeunes gens qui deviennent adultes, de cœurs brisés, de tromperie, d’ambition et de trahison. C’est un conte sur l’honneur et le courage, sur le destin et la sorcellerie. C’est un roman de fantasy qui nous entraîne dans un monde que nous n’oublierons jamais et qui plaira à toutes les tranches d’âge et tous les lecteurs.





Morgan Rice

Un Rite D’Epées (Tome 7 de L’anneau du Sorcier)




ГЂ propos de Morgan Rice

Morgan Rice est l'auteur à succès n 1 et l'auteur à succès chez USA Aujourd'hui de la série d'épopées fantastiques L'ANNEAU DU SORCIER, qui contient dix-sept tomes, de la série à succès n 1 SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, qui contient onze tomes (pour l'instant), de la série à succès n 1 LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique qui contient deux tomes (pour l'instant) et de la nouvelle série d'épopées fantastiques ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en édition audio et papier, et des traductions sont disponibles en plus de 25 langues.

TRANSFORMATION (Livre #1 Mémoires d'un Vampire),  ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre #1 de la Trilogie des Rescapés),  LE REVEIL DES DRAGONS (le tome 1 de Rois et Sorciers) et LA QUÊTE DES HÉROS (le tome 1 de l'Anneau Du Sorcier) sont tous disponibles en téléchargement gratuit!

Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'hГ©sitez pas Г  visiter www.morganricebooks.com pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, tГ©lГ©charger l'appli gratuite, lire les derniГЁres nouvelles exclusives, vous connecter Г  Facebook et Г  Twitter, et rester en contact !



Quelques acclamations pour l’œuvre de Morgan Rice

« Un livre fantastique et plein d'entrain qui intègre un soupçon de mystère et de complot dans son intrigue. Toute l'histoire de La Quête des Héros porte sur la recherche du courage et la définition d'un but qui mène à la croissance, à la maturité et à l'excellence … Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les rebondissements et l'action fournissent une vigoureuse série qui se focalise efficacement sur l'évolution de Thor d'un enfant rêveur à un jeune adulte confronté à d'impossibles conditions de survie … Et ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série épique pour jeunes adultes. »



В В В В --Midwest Book Review (D. Donovan, Critique d'eBooks)

« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations qui s’épanouissent entre les cœurs brisés, les tromperies et les trahisons. Ce roman vous occupera pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. À ajouter de façon permanente à la bibliothèque de tout bon lecteur de fantasy. »



В В В В --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos

« La distrayante épopée de fantasy écrite par Rice [L'ANNEAU DU SORCIER] met en scène les classiques du genre : un décor impressionnant, fortement inspiré par l’Écosse médiévale et son histoire, et un bon sens des intrigues de cour. »



    —Kirkus Reviews

« J'ai adoré la façon dont Morgan Rice a créé le personnage de Thor et le monde dans lequel il vit. Le paysage et les créatures qui le hantent sont très bien décrits … J'ai apprécié [l'intrigue]. Elle était courte et charmante … Il y avait juste assez de personnages secondaires, ce qui fait que je ne me suis pas perdu. Il y avait des aventures et des moments déchirants, mais l'action décrite ne m’a jamais paru grotesque. Le livre serait parfait pour un lecteur adolescent … Il contient les prémices de quelque chose de remarquable … »



В В В В --San Francisco Book Review

« Dans ce premier tome, bourré d'action, de l’épopée de fantasy l'Anneau du Sorcier (qui compte actuellement 14 tomes), Rice présente aux lecteurs Thorgrin McLeod, dit « Thor », un jeune homme de 14 ans dont le rêve est de faire partie de la Légion d'Argent, les chevaliers d'élite au service du roi … L'écriture de Rice est consistante et le monde intrigant. »



В В В В --Publishers Weekly

« [LA QUÊTE DES HÉROS] est rapide et facile à lire. Les chapitres se terminent d'une façon qui vous poussent à lire la suite du livre et vous ôtent l'envie de le poser. Il y a quelques fautes de frappe dans le livre et des confusions sur certains noms mais cela ne détourne pas le lecteur de l'histoire dans son ensemble. La fin du livre m'a donné envie de me procurer immédiatement le tome suivant et c'est ce que j'ai fait. Les neuf tomes de la série de l'Anneau du Sorcier sont disponibles sur la boutique Kindle et vous pouvez commencer par La Quête des Héros, qui est en téléchargement gratuit sur cette plate-forme ! Si vous recherchez quelque chose de rapide et d'amusant à lire pendant que vous êtes en vacances, ce livre fera parfaitement l'affaire. »



В В В В --FantasyOnline.net



Du mГЄme auteur

ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome 2)

LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n 3)

UNE FORGE DE VALEUR (Tome n 4)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUГЉTE DES HEROS (Tome n 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome n 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n 3)

UN CRI D'HONNEUR (Tome n 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n 5)

UN PRIX DE COURAGE (Tome n 6)

UN RITE D'ÉPÉES (Tome n 7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n 8)

UN CIEL DE CHARMES (Tome n 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n 10)

LE RГ€GNE DE L'ACIER (Tome n 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome n 12)

LE RГ€GNE DES REINES (Tome n 13)

LE SERMENT DES FRГ€RES (Tome n 14)

UN RГЉVE DE MORTELS (Tome n 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n 16)

LE DON DU COMBAT (Tome n 17)



LA TRILOGIE DES RESCAPES

ARENE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n 1)

ARENE DEUX (Tome n 2)



MEMOIRES D’UN VAMPIRE

TRANSFORMATION (Livre 1)

ADORATION (Livre 2)

TRAHISON (Livre 3)

PRÉDESTINATION (Livre 4)

DÉSIR (Tome n 5)

FIANÇAILLES (Tome n 6)

SERMENT(Tome n 7)

TROUVÉE (Tome n 8)

RENÉE (Tome n 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome n 10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome n 11)












Écoutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio !


Copyright В© 2013 par Morgan Rice

Tous droits rГ©servГ©s. Sauf dГ©rogations autorisГ©es par la Loi des Г‰tats-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockГ©e dans une base de donnГ©es ou systГЁme de rГ©cupГ©ration, sans l'autorisation prГ©alable de l'auteur.

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Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les Г©vГ©nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisГ©s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes rГ©elles, vivantes ou mortes, n'est que pure coГЇncidence.

Image de couverture : Copyright justdd, utilisГ©e en vertu d'une licence accordГ©e par Shutterstock.com.


« Qu’avez-vous à me confier ?
Si c’est du bien public qu’il s’agit,
Montrez-moi d’un côté l’honneur, de l’autre la mort,
Je les considérerai l’un et l’autre avec le même sang-froid…
Et puisse la protection des dieux me manquer,
Si je n’aime pas le nom d’honneur plus que je ne crains la mort. »

В В В В --William Shakespeare
В В В В Jules CГ©sar






CHAPITRE UN


Thorgrin survolait la campagne de l’Anneau sur le dos de Mycoples, en direction du sud, où se trouvait Gwendolyn. Il serrait dans son poing fermé l’Épée de Destinée. En contrebas s’étendait l’armée d’un million d’hommes de Andronicus, qui grouillait comme une nuée de sauterelles. L’Épée de Destinée palpitait dans la main de Thor. Il savait ce qu’elle voulait : protéger l’Anneau, chasser les envahisseurs. C’était presque un commandement sacré et Thor était plus que disposé à lui obéir.

Bientôt, il ferait demi-tour et leur ferait payer. Maintenant que le Bouclier s’élevait à nouveau autour du pays, Andronicus et ses hommes étaient pris au piège. Les renforts n’arriveraient plus pour leur porter secours. Thor ne s’arrêterait pas avant de les avoir tués jusqu’au dernier.

Cependant, l’heure n’était pas encore venue. La priorité de Thor, c’était son grand amour, la femme qu’il désirait et dont il se languissait depuis son départ : Gwendolyn. Il brûlait de la revoir, de la serrer entre ses bras, de la savoir en vie. Il sentait l’anneau de sa mère rouler sous sa chemise, contre sa poitrine. Il ne pouvait attendre une minute de plus avant de le donner à Gwen, lui confesser son amour et lui demander sa main. Il fallait qu’elle sache que rien n’avait changé entre eux, que ce qui lui était arrivé n’importait pas. Il l’aimait autant qu’avant, peut-être même plus. Elle devait savoir.

Mycoples ronronna doucement et Thor sentit les vibrations à travers les écailles. Mycoples avait hâte, tout comme lui, d’atteindre Gwendolyn et de s’assurer que rien ne lui était arrivé. Le dragon plongea et s’enfila entre les nuages en battant ses ailes immenses, heureux de parcourir l’Anneau en compagnie de Thor. Le lien qu’ils partageaient devenait plus fort à chaque instant. Thor sentait que Mycoples écoutait la moindre de ses pensées, le moindre de ses désirs. C’était comme chevaucher une partie de lui-même.

Les pensées de Thor se tournèrent vers Gwendolyn. Les mots de l’ancienne Reine résonnaient encore dans son esprit, bien malgré lui. Sa révélation le blessait plus qu’il n’aurait su le dire. Andronicus ? Son père ?

Ce n’était pas possible. Une partie de lui espérait que ce n’était là qu’une farce cruelle de la Reine. Après tout, elle l’avait toujours détesté. Peut-être voulait-elle le déstabiliser, le tenir éloigné de sa fille, pour quelque raison. Thor se raccrochait à cette pensée.

Au fond, pourtant, depuis qu’il avait entendu ces mots, ils résonnaient à l’intérieur du corps et de l’âme de Thor. Tout était vrai, Thor le savait. Au moment où la révélation avait quitté les lèvres de la Reine, il avait su que Andronicus était bel et bien son père.

Cette certitude suivait Thor comme un cauchemar. Il avait espéré, il avait prié, quelque part, au fond de sa tête, pour que le Roi MacGil soit son père, sans pour autant que Gwen soit sa sœur, d’une manière ou d’une autre. Thor avait toujours songé que, le jour où il connaîtrait l’identité de son père, tout prendrait sens.

Apprendre que son père n’était pas un héros, c’était une chose. Il pouvait l’accepter. Apprendre que son père était un monstre – le pire des monstres, l’homme que Thor souhaitait voir mourir –, c’était beaucoup plus difficile à avaler. Ils partageaient le même sang. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Cela voulait-il dire que Thor deviendrait un monstre lui aussi, tôt ou tard ? Cela voulait-il dire qu’une étincelle diabolique dormait en lui ? Était-il destiné à devenir comme Andronicus ? Trouverait-il la force d’être différent ? Le destin déciderait-il à sa place ? Une génération pouvait-elle s’affranchir de la précédente ?

Thor se demandait également si cette révélation était liée à l’Épée de Destinée. Si la Légende disait vrai, si seul un MacGil pouvait manier l’Épée, Thor était-il un MacGil ? Comment était-ce possible, si Andronicus était son père ? À moins que Andronicus ne soit lui-même un MacGil ?

Et surtout, comment annoncer la nouvelle à Gwendolyn ? Comment lui dire qu’il était le fils de son pire ennemi ? De l’homme qui l’avait agressée ? Elle le haïrait. Elle reconnaitrait le visage de Andronicus dans celui de Thor. Pourtant, il fallait lui dire : Thor ne pouvait pas garder cela secret. Cette révélation anéantirait-elle leur relation ?

Le sang de Thor bouillait de rage. Il voulait tuer Andronicus, lui faire regretter de l’avoir mis au monde. Comme il volait, il observait la campagne. Andronicus se trouvait là, quelque part. Bientôt, Thor le débusquerait. Il l’affronterait. Et il le tuerait.

D’abord, il fallait retrouver Gwendolyn. En survolant la Forêt du Sud, Thor sentit qu’elle était toute proche. Cependant, un mauvais pressentiment le prévenait que quelque chose de terrible était sur le point d’arriver. Il poussa Mycoples qui pressa l’allure. Maintenant, chaque minute comptait.




CHAPITRE DEUX


Gwendolyn se tenait debout, seule, au sommet de la Tour du Refuge, vêtue des robes noires que les nonnes lui avaient données. Elle avait l’impression de vivre là depuis une éternité déjà. Elle avait été accueillie en silence. Son guide, une nonne, ne lui avait adressé qu’une seule fois la parole pour lui expliquer les règles : il ne fallait ni parler, ni interagir avec les autres. Chaque femme vivait dans son propre univers. Chaque femme cherchait la solitude. C’était une Tour du Refuge, un lieu pour celles qui voulaient guérir. Gwendolyn serait à l’abri des dangers du monde, mais également seule. Si seule.

Gwendolyn ne comprenait tout cela que trop bien. Elle aussi recherchait la solitude.

Elle se tenait à présent au sommet de la Tour et balayait du regard les cimes des arbres de la Forêt du Sud. Seule, plus seule que jamais. Elle savait qu’il faudrait se montrer forte. Elle était une battante, la fille d’un Roi et l’épouse – presque l’épouse – d’un grand guerrier.

Cependant, Gwendolyn devait admettre que son cœur et son esprit demeuraient meurtris. Thor lui manquait terriblement et elle craignait qu’il ne revienne jamais. Et s’il le faisait, s’il apprenait ce qui lui était arrivé ? Il ne voudrait plus d’elle.

Gwen était également dévastée par la destruction de Silesia, par la victoire de Andronicus et par la capture de tous ses êtres chers. Andronicus était partout maintenant. Il occupait l’Anneau tout entier et il n’existait plus d’endroit sûr. Gwen se sentait impuissante et épuisée. Bien trop épuisée pour une jeune femme de son âge. Elle avait également l’impression d’avoir abandonné son peuple. Il lui semblait qu’elle avait déjà vécu bien trop longtemps. Elle n’en pouvait plus.

Gwendolyn fit un pas en avant, par-dessus le parapet. Elle leva les bras lentement, les paumes levГ©es. Une brise froide fouetta alors son visage et la violence du souffle la fit presque chavirer. Elle baissa les yeux vers le prГ©cipice abrupt.

Elle regarda le ciel et pensa à Argon. Elle se demanda où il était, sans doute prisonnier de son propre univers, en guise de châtiment. Elle aurait tout donné pour le revoir, pour entendre ses conseils une dernière fois. Peut-être aurait-il pu la sauver…

Mais il Г©tait parti. Il avait lui aussi une dette Г  payer. Il ne reviendrait pas.

Gwen ferma les yeux et pensa à Thor. Si seulement il avait été là, tout aurait été différent. Si seulement il lui restait une personne en ce monde, une personne qu’elle pourrait aimer, elle aurait eu une raison de vivre… Elle scruta l’horizon, dans l’espoir fou d’apercevoir Thor. Le regard plongé dans les nuages, elle crut entendre le rugissement lointain d’un dragon. C’était si ténu… Sans doute une manifestation de son imagination. Son esprit lui jouait des tours. Il n’y avait pas de dragon dans l’Anneau et Thor était perdu à jamais dans l’Empire. Il ne reviendrait pas.

Des larmes se mirent à couler sur ses joues, comme elle imaginait la vie qui aurait été la leur, comme elle se rappelait combien ils avaient été proches. Elle imagina l’expression de son visage, le son de sa voix, son rire. Elle avait été certaine que rien ne les séparerait, que rien n’empêcherait leur bonheur…

– Thor ! s’écria-t-elle en renversant la tête vers le ciel, en déséquilibre sur le parapet.

Elle pria de toutes ses forces pour son retour.

Mais sa voix se perdit dans le vent. Thor n’était pas là. Il était de l’autre côté du monde.

Gwendolyn saisit l’amulette qu’il lui avait donnée, celle qui lui avait sauvé la vie. Elle l’avait utilisée une fois. Maintenant, l’amulette ne servirait plus.

Gwendolyn promena son regard par-dessus le parapet et vit le visage de son pГЁre, nimbГ© de lumiГЁre blanche, souriant.

Elle se pencha, leva un pied par-dessus le prГ©cipice, en fermant les yeux pour sentir la brise. Elle hГ©sita un instant entre les deux mondes, entre la mort et la vie, dans un Г©quilibre parfait. La prochaine brise dГ©ciderait de son sort.

Thor, pensa-t-elle, pardonne-moi.




CHAPITRE TROIS


Kendrick chevauchait à la tête de l’armée des MacGils et des prisonniers libérés, qui ne cessait de croître, comme tous s’élançaient sur la route en direction de l’est, à la poursuite de Andronicus. Srog, Brom, Atme et Godfrey étaient à ses côtés. Reece, O’Connor, Conven, Elden et Indra les suivaient de près, ainsi que des milliers de guerriers. Les corps des soldats impériaux, calcinés et noircis par le souffle du dragon, ou bien tués par l’Épée de Destinée, jonchaient le sol. Thor les avait décimés, accomplissant à lui seul le travail d’une armée. Kendrick admira les dégâts. Les pouvoirs combinés de Thor, de l’Épée de Destinée et de Mycoples le laissaient sans voix.

Ce retournement de situation l’émerveillait. Quelques jours plus tôt, ils avaient été prisonniers du joug de Andronicus et forcés d’admettre la défaite. Thor, absent. L’Épée, un rêve qui semblait alors inaccessible. Kendrick et ses compagnons avaient été crucifies, abandonnés, et tout espoir avait semblé perdu.

À présent, ils chevauchaient, libres à nouveau, soldats et chevaliers, revigorés par l’arrivée de Thor, et la situation tournait à leur avantage. Il semblait que Mycoples avait été envoyée par les dieux. Une force de destruction descendue du ciel. Silesia s’élevait à nouveau, libérée. Les soldats impériaux, au lieu d’occuper la campagne, jonchaient maintenant le sol aussi loin que portait le regard.

Tout cela était encourageant, mais Kendrick savait qu’un demi million d’hommes les attendaient de l’autre côté des Highlands. Ils avaient été repoussés mais ils étaient encore loin d’être vaincus. Or Kendrick et ses compagnons ne comptaient pas rester les bras croisés à attendre que Andronicus regroupe ses forces et attaque à nouveau. Ils ne comptaient pas non plus lui offrir une chance de fuir. Le Bouclier s’élevait à nouveau autour de l’Anneau et, même en sous nombre, Kendrick et son armée avaient une chance de l’emporter. Andronicus était en fuite et Kendrick était bien décidé à poursuivre sur cette formidable lancée en répétant la première victoire de Thor.

Kendrick jeta un coup d’œil par-dessus son épaule vers les milliers de soldats et d’hommes libres qui chevauchaient avec lui. Il lut la détermination dans leurs regards. Ils avaient connu l’esclavage, goûté l’amertume de la défaite… Ils appréciaient maintenant, et pleinement, leur liberté. Pas seulement pour eux-mêmes, mais également pour leurs familles et leurs épouses. Chacun d’entre eux, rendu amer et audacieux par cette douloureuse expérience, était bien décidé à ne pas laisser Andronicus s’échapper. Comme un seul homme, ils partaient combattre la mort. Sur leur passage, ils libéraient de plus en plus de prisonniers, brisaient leurs chaînes et les intégraient dans leurs rangs. Leur nombre ne cessait de croître.

Kendrick lui-même se remettait encore de son temps passé sur la croix. Son corps n’était plus aussi fort qu’avant et il sentait encore le contact brutal de la corde sur ses chevilles et ses poignets. Il jeta un regard oblique à Srog, Atme et Brom, ses voisins de croix, et vit qu’ils étaient dans le même état. La crucifixion les avait tous affectés Pourtant, ils chevauchaient avec fierté et audace. Rien de mieux que l’occasion de défendre sa vie, l’occasion de se venger, pour oublier ses blessures…

Kendrick se réjouissait également de voir son jeune frère Reece et les autres frères de Légion à ses côtés, enfin de retour de leur quête. Les massacres à Silesia avaient été terribles. Revoir Reece et ses compagnons pansait quelque peu cette blessure. Kendrick avait toujours voulu protéger Reece en grandissant et prendre auprès de lui le rôle d’un deuxième père quand le Roi MacGil avait été trop occupé. Le fait d’être seulement des demi-frères ne les avait pas éloignés l’un de l’autre, au contraire : ils s’aimaient par choix, plus que par obligation. Kendrick ne s’était jamais senti si proche de ses autres frères : Godfrey passait beaucoup de temps à la taverne avec des individus louches et Gareth… Eh bien, Gareth, c’était Gareth. Reece avait été le seul à choisir la carrière des armes, comme Kendrick, et Kendrick n’aurait pas pu être plus fier de lui.

Dans le passé, quand ils avaient eu l’occasion de combattre côte à côté, Kendrick avait ressenti le besoin de veiller sur Reece. Il voyait, à présent, que son frère était devenu un authentique guerrier endurci et qu’il n’avait plus besoin de protection. Il se demanda quelles épreuves Reece avait surmontées dans l’Empire pour devenir si talentueux et si dur… Il avait hâte de s’asseoir tranquillement avec lui pour entendre ses aventures.

Kendrick se réjouissait également du retour de Thor, non seulement parce qu’il les avait libérés, mais également parce qu’il aimait et respectait le jeune homme comme un frère. L’image de ce garçon brandissant l’Épée de Destinée ne quittait plus son esprit. Jamais Kendrick n’aurait cru voir cela de son vivant. Jamais il n’aurait cru voir quelqu’un – n’importe qui – manier l’Épée, et encore moins Thor, son propre écuyer, un humble jeune homme venu d’un village de la périphérie de l’Anneau. Un étranger. Il n’était même pas un MacGil.

Mais Г©tait-ce vraiment le casВ ?

Kendrick s’interrogeait. Il rappela la Légende à ses souvenirs : seul un MacGil pouvait manier l’Épée. Au fond de lui-même, Kendrick avait toujours espéré qu’il aurait cet honneur. Il avait espéré obtenir de l’Épée la dernière preuve de son héritage, la preuve qu’il était un vrai MacGil et le premier-né de son père. Il avait toujours rêvé que la vie ou les circonstances lui permettraient un jour de tenter sa chance.

Finalement, cette chance, Kendrick ne l’avait pas eue, mais il ne pouvait refuser à Thor sa victoire. Kendrick n’était pas d’un naturel rancunier. Bien au contraire, il s’émerveillait de la destinée de Thor. Il ne comprenait pas, cependant… La Légende se trompait-elle ? Thor était-il un MacGil ? Comment était-ce possible ? À moins que Thor ne soit lui aussi un fils du Roi MacGil ? Kendrick s’interrogeait. Bien sûr, son père avait eu des aventures. L’une de ces coucheries était d’ailleurs à l’origine de la naissance même de Kendrick…

Était-ce la raison pour laquelle Thor avait quitté précipitamment Silesia après avoir parlé à sa mère ? De quoi avaient-ils bien pu discuter ? Sa mère n’en disait mot. C’était la première fois qu’elle gardait un secret et refusait d’en parler à Kendrick ou ses autres fils. Pourquoi ? Que pouvait-elle bien cacher ? Qu’avait-elle bien pu dire pour que Thor les abandonne soudain sans prononcer un mot ?

Kendrick pensait à son propre père, à son héritage. Malgré lui, l’idée de n’être qu’un bâtard le dévorait de l’intérieur. Pour la millième fois, il se demanda qui pouvait être sa vraie mère. Il avait entendu toutes sortes d’histoires tout au long de sa vie, sur des femmes qui avaient couché avec le Roi MacGil, mais il n’avait jamais pu être certain. Quand tout serait terminé, quand l’Anneau serait à nouveau en paix – si cela devait arriver –, Kendrick tâcherait de résoudre le mystère. Il chercherait sa mère. Il lui demanderait pourquoi elle l’avait abandonné, pourquoi elle avait refusé de faire partie de sa vie. Comment avait-elle rencontré le Roi ? Il ne voulait rien de plus que la rencontrer, contempler son visage, scruter les ressemblances, l’entendre dire qu’il était un enfant comme les autres, un enfant désiré par ses parents.

Kendrick se réjouissait de savoir Thor à la recherche de Gwendolyn, mais une partie de lui aurait aimé qu’il reste. Au moment d’affronter des dizaines de milliers de soldats impériaux, ils auraient bien besoin de Thor et de Mycoples…

Cependant, Kendrick était un guerrier, né et élevé pour le combat. Il n’était pas du genre à attendre les bras croisés que d’autres se battent à sa place. Voilà ce que son instinct le lui dictait : chevaucher à la rencontre de l’armée ennemie et tuer le plus de soldats que possible. Il n’avait peut-être pas de dragon, ni d’épée magique, mais il avait ses deux mains, celles qu’il utilisait au combat depuis toujours. Et c’était bien suffisant.

Ils atteignirent le sommet de la colline et Kendrick balaya du regard le paysage. Lucia, une petite ville MacGil, s’élevait au loin, à l’est de Silesia. Les corps des soldats impériaux pavaient la route. Visiblement, la vague de destruction initiée par Thor s’était arrêtée ici même. À l’horizon, Kendrick aperçut un bataillon ennemi en train de battre en retraite, en direction de l’est. Il se dirigeait certainement vers le camp principal de Andronicus, de l’autre côté de Highlands. Tous les autres régiments faisaient de même, mais ils avaient apparemment laissé une petite division à Lucia. Plusieurs milliers campaient en ville et gardaient l’entrée. Les citoyens avaient apparemment été réduits en esclavage.

En se rappelant le traitement subi par les Silésiens après la défaite, Kendrick s’empourpra de colère et un désir de vengeance enflamma son cœur :

– À L’ATTAQUE !

Il leva son épée. Derrière lui s’éleva la clameur de milliers de soldats.

Kendrick éperonna sa monture et tous dévalèrent le coteau en direction de Lucia. Les deux armées se préparèrent au combat. Égales par le nombre, elles ne l’étaient pas par le cœur : la petite division impériale n’était que le résidu d’une armée en déroute, tandis que Kendrick et ses hommes étaient prêts à se battre jusqu’à la mort pour protéger leur patrie.

Son cri de guerre s’éleva jusqu’aux cieux, comme il chargeaient les portes de Lucia. Ils furent si rapides que les quelques douzaines de soldats montant la garde eurent à peine le temps de réagir. Ils ne s’attendaient pas à une attaque. Ils s’empressèrent de se réfugier derrière les murs et d’activer les manivelles pour abattre les herses.

Ils ne furent pas assez rapides. Les archers de Kendrick décochèrent des volées de flèches qui les transpercèrent en pleine poitrine ou à travers les défauts de leurs armures. Kendrick lui-même lança un javelot, tout comme Reece. Celui de Kendrick trouva sa cible : un guerrier énorme qui s’apprêtait à tirer une flèche. Celui de Reece se planta sans effort dans le cœur d’un soldat. Kendrick et ses hommes n’hésitèrent pas un seul instant avant de s’engouffrer sous les portes laissées béantes. Ils chargèrent au son d’un formidable cri de guerre, en direction du centre-ville, sans reculer devant les ennemis.

Tous brandirent leurs épées, haches, lances et hallebardes dans un grand fracas de métal pour rencontrer les milliers de soldats impériaux qui chargèrent à dos de cheval. Kendrick, en tête, leva son bouclier pour bloquer une arme, tout en tuant deux hommes d’un coup d’épée. Sans montrer la moindre hésitation, il tournoya sur lui-même avant de planter sa lame dans les entrailles d’un autre soldat. En voyant son assaillant mourir, Kendrick pensa à la vengeance, à Gwendolyn, à son peuple, à tous les gens de l’Anneau qui avaient souffert.

Reece, à ses côtés, abattit sa masse dans la tête d’un soldat et le fit basculer à terre, puis il leva son bouclier pour parer les coups qui se mirent à pleuvoir. Il brandit à nouveau son arme et tua un autre de ses assaillants. Elden, non loin, se jeta dans la mêlée avec sa grande hache et coupa en deux un homme qui s’apprêtait à attaquer son frère d’armes.

O’Connor décocha plusieurs flèches avec une précision mortelle, même à une courte distance, tandis que Conven se jetait dans la bataille avec l’énergie du désespoir, sans même s’embarrasser de son bouclier. Une épée dans chaque main, il se fraya un chemin de destruction au cœur de l’armée ennemie, comme cherchant la mort. Étonnamment, il ne la trouva pas mais tua, au contraire, tout homme qui se trouvait sur son passage.

Indra suivait non loin. Elle était intrépide, peut-être même plus que certains hommes. Elle maniait sa dague avec habileté, entaillant les rangs ennemis et poignardant les soldats à la gorge. Tout en combattant, elle pensait à sa patrie et à tout son peuple asservi par l’Empire.

Un soldat abattit son arme vers la tête de Kendrick avant qu’il ne puisse l’éviter et il se prépara au choc. Atme s’élança et bloqua le coup de son bouclier, dans un grand fracas métallique. Il transperça alors l’assaillant de sa lance. Encore une fois, il sauvait la vie de Kendrick.

Comme un archer visait Atme, Kendrick se précipita en avant pour le déséquilibrer d’un coup d’épée et la flèche siffla bien au-dessus de la tête de son ami. Kendrick heurta alors le soldat du pommeau de son arme pour le faire basculer. À terre, l’homme fut immédiatement piétiné par sa propre monture. À présent, Kendrick et Atme étaient à égalité.

La bataille fit rage, encore et encore, chaque armée rendant coup pour coup. Des hommes tombèrent des deux côtés, mais plus, peut-être, parmi les rangs de l’armée impériale, comme les hommes de Kendrick s’enfonçaient toujours plus loin dans la cité. La situation était assez équilibrée : les soldats impériaux étaient forts et disciplinés mais ils avaient plus l’habitude de lancer l’assaut que de se faire surprendre de la sorte. Bientôt, ils furent incapables d’organiser la riposte et furent repoussés.

Au bout de presque une heure de combat intense, les pertes décidèrent l’Empire à sonner la retraite. Un clairon retentit et, un par un, les soldats firent volte-face avant de fuir.

Kendrick et ses hommes se lancèrent à leur poursuite au son d’un féroce cri de guerre et les accompagnèrent jusqu’aux portes de la ville.

Les survivants du bataillon impérial – peut-être quelque centaines d’hommes –, se dispersèrent en plein chaos en direction de l’horizon. Des acclamations s’élevèrent dans tout Lucia. Les hommes de Kendrick libérèrent au passage tous les esclaves, qui se précipitèrent aussitôt sur les armes des cadavres et montèrent sur des chevaux pour rejoindre l’armée libératrice.

Leurs rangs avaient doublé de volume quand ils se lancèrent à la poursuite des soldats impériaux entre les collines. O’Connor et quelques archers en tuèrent un certain nombre, dont les corps jonchèrent ça et là la campagne.

Kendrick se demandait où ils allaient, quand soudain, parvenant au sommet d’une colline, il eut une vue plongeante de Vinesia, une des plus grosses villes MacGil à l’est de Silesia, nichée au creux d’une vallée entre deux montagnes. C’était une ville importante, bien plus que Lucia, protégée par d’épais murs de pierre et des portes cloutées. Kendrick devina que c’était la destination du bataillon en déroute.

Il s’arrêta un instant pour considérer la situation. Vinesia était une grande ville et ils étaient en sous nombre. Il savait qu’envisager de la prendre d’assaut était risqué. Le plus sûr aurait été de rentrer à Silesia et de se satisfaire de la victoire pour aujourd’hui.

Cependant, Kendrick n’était pas d’humeur à prendre des décisions raisonnables. Lui et ses hommes avaient soif de sang et de vengeance. Un jour comme celui-ci, les risques n’importaient pas. Il était temps que l’Empire apprenne de quel bois les MacGils se chauffaient.

– CHARGEZ ! hurla-t-il.

Un cri s’éleva derrière lui, comme des milliers d’hommes dévalèrent le coteau avec témérité, en direction d’un ennemi plus fort qu’eux, prêts à donner leurs vies pour l’honneur et le courage.




CHAPITRE QUATRE


La respiration pénible, Gareth se traînait à travers la campagne désolée, les lèvres desséchées par la déshydratation, les yeux cerclés de cernes noirs. Les derniers jours avaient été éprouvants. Il avait cru mourir plus d’une fois.

Il avait échappé de peu aux hommes de Andronicus à Silesia, en se faufilant dans un passage secret. Il était resté caché longtemps, comme un rat tapi dans les ténèbres, en l’attente du moment opportun. Il avait eu l’impression d’y rester des jours. Il avait alors tout vu : l’arrivée de Thor sur le dos de ce dragon, puis sa reconquête de la ville. Dans la confusion et le chaos, Gareth en avait profité pour s’enfuir et se glisser hors de la ville, quand tous avaient le dos tourné.

Depuis ce jour, il suivait la route menant vers le sud, le long de l’arête du Canyon, en prenant soin de rester sous le couvert des arbres pour ne pas se faire repérer. Cela n’avait pas vraiment d’importance, au fond, car les routes étaient désertes. Tout le monde migrait vers l’est, où aurait lieu la grande bataille qui déciderait du destin de l’Anneau. En chemin, Gareth remarqua les corps calcinés le long de la route. Apparemment, il n’y avait plus rien à libérer par ici…

L’instinct de Gareth le poussait vers la Cour du Roi – ou ce qu’il en restait. Il savait que la ville avait été mise à sac par les hommes de Andronicus, laissée à l’état de ruines probablement, mais il tenait à s’y rendre malgré tout. Il voulait s’éloigner le plus possible de Silesia et quel meilleur endroit que celui qu’il connaissait si bien ? Celui que tous avaient abandonné. Celui qui avait eu pour maître suprême Gareth lui-même.

Après des jours de marche, en quittant la forêt, faible et en proie au délire, Gareth finit par apercevoir au loin la Cour du Roi. Elle s’élevait là, ses murs encore intacts, quoique effondrés par endroits. Les hommes de Andronicus jonchaient le sol et il était évident que Thor et son dragon étaient passés par là. En dehors des cadavres, l’endroit était désert, habité seulement par le sifflement du vent.

Cela convenait parfaitement à Gareth. Il n’avait pas l’intention d’entrer dans la ville, de toutes façons. Le but de son voyage, c’était un petit bâtiment qui s’élevait hors des murs. Un monument circulaire, en marbre, haut de quelques mètres et dont le toit s’ornait des statues élaborées. Il semblait très vieux et il est certain qu’il l’était…

La crypte des MacGils. L’endroit où son père avait été enterré – et le père de son père avant lui.

Gareth avait été certain de la trouver intacte. Qui prenait la peine d’attaquer une tombe ? Personne ne viendrait le chercher ici, il le savait. Il pourrait s’y cacher et y demeurer seul, en compagnie de ses ancêtres. Gareth avait haï son père mais il se surprenait à le comprendre de mieux en mieux, au fil du temps.

Il trottina à travers la campagne, en serrant contre lui son manteau en haillons quand une brise froide le fouetta. Le cri d’un oiseau d’hiver retentit brièvement et, en levant les yeux, Gareth aperçut la créature sinistre aux plumes noires qui volait en cercles au-dessus de sa tête, dans l’espoir de faire de lui son prochain repas. Gareth ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi était épuisé et affamé. Il ressemblait sûrement à un met de choix aux yeux du rapace.

Gareth atteignit enfin le bГўtiment et se saisit de la lourde poignГ©e de fer, pour tirer de toutes ses forces, comme le monde tournoyait autour de lui. Enfin, le battant craqua, puis cГ©da.

Gareth se faufila dans l’obscurité en refermant en claquant la porte. L’écho se répercuta longtemps autour de lui.

Il attrapa une torche éteinte accrochée au mur et l’alluma avec sa pierre à feu, en s’autorisant tout juste assez de lumière pour éclairer les marches, à mesure qu’il descendait l’escalier vers les ténèbres. L’atmosphère se fit lentement plus froide et plus venteuse, les courants d’air trouvant des chemins secrets entre les fissures. Gareth ne put s’empêcher de penser que ses ancêtres étaient en train de hurler contre lui.

– LAISSEZ-MOI ! cria-t-il en guise de réponse.

Sa voix se rГ©percuta contre les murs de la crypte.

– VOUS AUREZ BIENTÔT CE QUE VOUS VOULEZ !

Pourtant, le vent persista.

Enragé, Gareth poursuivit sa descente, jusqu’à atteindre enfin la grande chambre de marbre, creusée sous un plafond qui s’élevait à trois mètres de hauteur, où dormaient ses ancêtres dans des sarcophages de marbre. Gareth marcha d’un pas solennel, ses pas résonnant dans la pièce, jusqu’à l’endroit où gisait son père.

Autrefois, il n’aurait pas eu de remords à fracasser le sarcophage. Aujourd’hui, pour quelque raison inconnue, Gareth se sentait de plus en plus proche de l’homme qui y reposait. Il ne comprenait pas lui-même l’émotion qui l’étreignait. Peut-être était-ce l’influence nocive de l’opium qui le quittait lentement… Peut-être était parce qu’il savait sa mort proche.

Gareth se pencha vers le tombeau et posa le front sur le marbre froid. Il se surprit Г  pleurer.

– Vous me manquez, père, gémit-il comme sa voix tremblait contre les murs.

Il pleura, pleura, pleura, jusqu’à ce que ses genoux lâchent et l’emportent contre le marbre. Il se laissa glisser et posa sa torche qui s’éteignit doucement dans les ténèbres. Bientôt, tout serait noir et Gareth rejoindrait ses êtres chers.




CHAPITRE CINQ


L’humeur sombre, Steffen arpentait le sentier forestier solitaire et s’éloignait lentement de la Tour du Refuge. Quitter Gwendolyn lui brisait le cœur. La femme qu’il avait juré de protéger. Sans elle, il n’était plus rien. En la rencontrant, il avait eu l’impression de trouver le but de son existence : veiller sur elle, dévouer sa vie à cette femme qui avait permis à un simple serviteur de s’élever ainsi de sa condition. Elle avait été la seule à ne pas le mépriser ou le juger sur son apparence.

Steffen était fier de l’avoir conduite saine et sauve jusqu’à la Tour, mais la quitter laissait un terrible vide dans son cœur. Où irait-il à présent ? Que ferait-il ?

Sans elle, sa vie n’avait plus aucun sens. Il ne pouvait pas retourner à Silesia ou à la Cour du Roi : Andronicus avait envahi les deux villes. Steffen avait été témoin de son entreprise destructrice. Tous avaient été faits prisonniers ou réduits en esclavage. Il ne servait à rien d’y retourner. De plus, Steffen ne souhaitait pas s’éloigner de Gwendolyn.

Il déambula sans but pendant des heures, en parcourant les sentiers, à la recherche d’une idée, d’un but. Enfin, en suivant la route menant vers le nord, il aperçut au loin une petite ville perchée sur une colline. Il y dirigea ses pas. En se retournant un instant, il comprit que c’était l’endroit qu’il cherchait : du village, il aurait une vue imprenable sur la Tour. Si Gwendolyn décidait de s’en aller, il pourrait la rejoindre facilement pour se remettre à son service. Après tout, il lui avait prêté allégeance. Pas à une armée, mais à elle. Elle était toute sa vie.

Steffen se décida pour de bon : il resterait ici et garderait un œil sur la Tour. En passant les portes, il constata que c’était un village très pauvre, ordinaire, comme il y en avait tant en périphérie de l’Anneau. L’endroit était si bien caché que les hommes de Andronicus n’étaient sans doute pas venus jusque là.

Aussitôt, les visages stupéfaits des habitants se tournèrent vers lui et Steffen reconnut immédiatement dans leurs regards le mépris qu’il connaissait depuis l’enfance. Tous le dévisagèrent d’un air moqueur.

Steffen ressentit l’envie de tourner les talons et de s’en aller, mais il s’obligea à rester. Il fallait qu’il vive près de la Tour, pour le bien de Gwendolyn.

Un homme baraqué, âgé d’une quarantaine d’années et vêtu de haillons, se dirigea vers lui.

– Qu’avons-nous là ? Une moitié d’homme ?

Les autres s’esclaffèrent et se rapprochèrent.

Steffen resta calme. Ce genre de remarque ne le surprenait pasВ : il en avait essuyГ© de telles toute sa vie. Moins les gens Г©taient Г©duquГ©s, plus ils aimaient le ridiculiser.

Steffen tendit la main pour s’assurer que son arc était à portée de main, au cas où les villageois décidaient de se montrer violents, en plus d’être cruels. Il savait qu’il serait capable d’en tuer un certain nombre, en cas de besoin. Cependant, ce n’était pas le but de sa visite. Il voulait surtout trouver un abri.

– Ce n’est pas un simple bossu, non ? remarqua un autre, comme un groupe de villageois menaçants se pressaient de plus en plus près.

– Vu ses nippes, on n’dirait pas, renchérit son compagnon. C’est pas une armure royale ?

– Et cet arc… Du cuir de qualité.

– Et les flèches ! Des pointes dorées, rien que ça.

Ils s’arrêtèrent à quelques pas en lui jetant des regards noirs. Ils rappelaient à Steffen les brutes de son enfance.

– Qui es-tu, bossu ? demanda l’un d’eux.

Steffen prit une grande inspiration, bien dГ©cidГ© Г  garder son sang-froid.

– Je ne vous veux aucun mal, commença-t-il.

Le groupe Г©clata de rire.

– Du mal ? Toi ? Quel mal tu pourrais bien nous faire ?

– Même nos poules n’ont pas peur de toi ! s’exclama un autre.

Steffen s’empourpra devant les rires, mais il savait qu’il ne devait pas s’énerver.

– J’ai besoin d’un abri et de nourriture. J’ai des mains fortes et un dos solide. Je peux travailler. Je n’ai pas besoin de beaucoup. Pas plus qu’un autre.

Steffen voulait soudain se perdre dans un travail physique, comme il l’avait fait pendant toutes ces années au service du Roi MacGil. Cela lui viderait la tête. Il travaillerait dur et vivrait une vie anonyme, comme il avait été prêt à le faire avant Gwendolyn.

– Tu penses que tu peux faire le travail d’un homme ? ricana un autre.

– On peut peut-être lui trouver une utilité…

Steffen lui jeta un regard plein d’espoir.

– Il pourrait jouer avec nos chiens et nos poules !

Tous s’esclaffèrent.

– Je payerais cher pour voir ça !

– Nous sommes en guerre, au cas où vous n’ayez pas remarqué, répliqua froidement Steffen. Je suis sûr qu’un village reclus comme le vôtre a besoin d’aide pour assurer sa subsistance.

Les villageois s’entreregardèrent, stupéfaits.

– Bien sûr que c’est la guerre, nous le savons ! Mais notre village est petit. Les armées ne viennent jamais jusqu’ici.

– Je n’aime pas ta façon de parler, grogna un autre. Tout éduqué et tout… Tu te crois meilleur que nous ?

– Je ne me prétends pas meilleur que tout homme, répondit Steffen.

– Au moins, c’est clair !

– Ça suffit ! s’écria un villageois d’une voix qui n’amenait aucune discussion.

Il fendit la foule en repoussant les autres de la main. Il Г©tait plus vieux et semblait bien plus sГ©rieux. La foule se tut en sa prГ©sence.

– Si tu veux, dit-il d’une voix brusque et profonde, j’ai bien besoin d’une paire de bras supplémentaire pour faire tourner mon moulin. Je paye un sac de grain et une cruche d’eau par jour. Tu dors dans la grange, avec les autres gars. Si ça te va, je te prends.

Steffen hocha la tГЄte, soulagГ© de trouver enfin Г  qui parler.

– Je ne demande rien d’autre, dit-il.

– Par ici, répondit l’homme.

Steffen le suivit jusqu’à un grand moulin en bois, autour duquel s’affairaient des jeunes garçons et des hommes couverts de sueur et de terre. Ils poussaient une grande roue pour actionner les mécanismes. Un travail difficile et rude. Cela conviendrait à Steffen.

Celui-ci se retourna pour donner sa réponse mais l’homme avait déjà disparu, comme s’il n’avait jamais douté qu’il accepterait. Les villageois s’éloignèrent, non sans jeter quelques dernières moqueries. Steffen se tourna vers la roue et vers sa nouvelle vie.

L’espace d’un instant, il avait eu la faiblesse de rêver d’une vie meilleure, de château, de royauté et de rang. Il avait cru devenir un personnage important aux côtés de la Reine. Il aurait dû savoir qu’il n’était jamais bon d’entretenir de telles pensées… Bien sûr, tout cela n’était pas pour lui et ne l’avait jamais été. Sa rencontre avec Gwendolyn n’avait été qu’une étincelle au milieu d’une vie de labeur. C’était, après tout, la seule vie qu’il connaissait. Une vie qu’il comprenait. Une vie difficile.

Sans Gwendolyn, cette vie en valait bien une autre.




CHAPITRE SIX


Thor poussa Mycoples, de plus en plus vite, comme ils filaient à travers les nuages, en direction de la Tour du Refuge. Thor sentait dans toutes les fibres de son être que Gwendolyn était en danger. C’était comme une vibration au bout de ses doigts, qui remontait le long de son corps et lui murmurait : plus vite, plus vite…

Plus vite.

– Plus vite ! cria-t-il à Mycoples.

Mycoples ronronna doucement en guise de réponse et battit ses ailes gigantesques. En vérité, Thor n’avait pas eu besoin de prononcer ces mots : Mycoples percevait la moindre de ses pensées. Il l’avait dit pourtant, pour soulager la tension qui l’habitait. Il sentait démuni, impuissant. Quelque chose n’allait pas et chaque seconde comptait.

Ils émergèrent enfin des nuages et Thor aperçut avec soulagement la Tour du Refuge au loin. Une bâtisse millénaire, parfaitement cylindrique, en pierre noire et brillante, qui s’élevait vers le ciel comme une flèche. Même d’ici, Thor sentit son pouvoir.

Comme ils s’approchaient, il repéra soudain une silhouette au sommet. Une personne qui se tenait tout au bord, les bras en croix. Ses yeux étaient fermés et elle tanguait entre les brises.

Thor sut immГ©diatement qui elle Г©tait.

Gwendolyn.

Son cœur battit à tout rompre. Il savait ce qu’elle pensait. Et il savait pourquoi. Elle pensait que Thor l’avait abandonnée. Il ne put s’empêcher de se sentir coupable.

– PLUS VITE ! cria-t-il.

Mycoples battit des ailes plus vite encore, si vite que Thor en eut le souffle coupГ©.

Comme ils approchaient, Thor vit Gwen faire un pas en arrière pour retrouver la sécurité et son cœur se gonfla de soulagement. Même sans le voir, elle avait changé d’avis. Elle avait renoncé à sauter.

Mycoples poussa un rugissement et Gwen, en levant les yeux, aperçut Thor pour la première fois. Leurs regards se trouvèrent, même à cette distance, et il lut le choc sur son visage.

Mycoples atterrit et Thor sauta Г  terre, avant de courir vers Gwendolyn. PГ©trifiГ©e, elle le fixa du regard comme on dГ©visage un fantГґme.

Thor se précipita vers elle, le cœur battant, et ouvrit les bras. Ils s’étreignirent et se serrèrent l’un contre l’autre. Thor la souleva dans les airs et la fit tournoyer, encore et encore et encore.

Il l’entendit pleurer contre son oreille, sentit des larmes chaudes couler dans son cou. Il pouvait à peine y croire : elle se trouvait enfin dans ses bras. Tout était réel. Le rêve qu’il avait fait, jour après jour, nuit après nuit, tout au long de son voyage, quand il avait été certain de ne plus jamais la revoir. Elle se trouvait à présent dans ses bras.

Ils avaient Г©tГ© sГ©parГ©s si longtemps que tout semblait nouveau et parfait. Il se promit de ne plus jamais la prendre pour acquise.

– Gwendolyn, murmura-t-il.

– Thorgrin.

Impossible de dire combien de temps ils restèrent ainsi enlacés. Lentement, ils s’éloignèrent, pour mieux s’embrasser. Un baiser passionné.

– Tu es vivant, dit-elle. Tu es là. Je ne peux y croire.

Mycoples poussa un reniflement sonore et les yeux de Gwendolyn, en apercevant le dragon par-dessus l’épaule de Thor, s’agrandirent d’effroi.

– N’aie pas peur, dit Thor. Elle s’appelle Mycoples. C’est mon amie. Ce sera la tienne aussi. Viens.

Thor prit la main de Gwen et la guida sur le chemin de ronde. Il pouvait sentir les peurs de Gwen comme ils approchaient. Il comprenait : après tout, c’était là un vrai dragon et Gwen n’en avait jamais vu d’aussi près.

Mycoples plongea son regard immense et rougeoyant dans celui de Gwen, en battant doucement ses ailes immenses. Thor sentit quelque chose comme de la jalousie… Ou peut-être de la curiosité.

– Mycoples, voici Gwen.

Mycoples détourna la tête d’un air orgueilleux.

Mais sa réticence fut brève : elle se tourna à nouveau brusquement et plongea son regard dans celui de Gwen, comme pour la sonder, avant de s’approcher tout près, si près qu’elle la toucha presque.

Gwen poussa un petit cri de surprise et d’émerveillement, et peut-être d’effroi. Elle tendit une main tremblante et la posa sur le museau de Mycoples, pour caresser les écailles violettes.

Au bout de quelques secondes tendues, Mycoples cligna des yeux et frotta son nez contre le ventre de Gwen, en signe d’affection. Thor ne comprit pas pourquoi.

Brusquement, Mycoples se dГ©tourna Г  nouveau.

– Elle est belle, murmura Gwen.

Elle se tourna vers Thor.

– J’avais perdu espoir… Je croyais que tu ne reviendrais plus.

– Moi non plus, répondit-il. Penser à toi me faisait tenir. C’était ma raison de vivre et de revenir.

Ils s’étreignirent à nouveau, caressés par les brises, avant de s’éloigner.

Gwen baissa les yeux et remarqua l’Épée de Destinée à la hanche de Thor. Ses yeux s’agrandirent de surprise. Elle poussa un petit cri.

– Tu as ramené l’Épée, dit-elle.

Elle lui jeta un regard stupГ©fait.

– C’est toi qui as pu la manier ?

Thor hocha la tГЄte.

– Mais comment ? bafouilla-t-elle.

Elle Г©tait visiblement bouleversГ©e.

– Je ne sais pas, dit Thor. J’ai juste réussi.

Un éclair d’espoir traversa soudain ses yeux :

– Cela signifie que le Bouclier nous protège à nouveau !

Thor hocha la tête d’un air solennel.

– Andronicus est pris au piège, dit-il. Nous avons déjà libéré la Cour du Roi et Silesia.

Le visage de Gwendolyn s’éclaira.

– C’était toi, dit-elle. Tu as libéré nos cités.

Thor haussa les Г©paules, modeste.

– C’était surtout Mycoples. Et l’Épée. Je me suis contenté de les suivre.

Gwen lui adressa un sourire Г©clatant.

– Et notre peuple ? Ils sont en vie ? Ils ont survécu ?

Thor hocha la tГЄte.

– Presque tous sont en vie et ils vont bien.

Souriante et soulagГ©e, Gwen semblait soudain beaucoup plus jeune.

– Kendrick t’attends à Silesia, dit Thor, tout comme Godfrey, Reece, Srog et bien d’autres. Ils vont bien et la cité est libre.

Gwen se prГ©cipita dans ses bras et le serra fort. Il sentit son soulagement et sa joie.

– Je pensais que tout était fini, dit-elle en pleurant doucement. Perdu pour toujours.

Thor secoua la tГЄte.

– L’Anneau a survécu, dit-il. Andronicus est en fuite. Nous finirons par le chasser définitivement, puis nous reconstruirons.

Gwen lui tourna soudain le dos et détourna le regard, en chassant une larme. Elle s’enroula dans sa cape et il lut la peur dans ses yeux.

– Je ne sais pas si je peux revenir, dit-elle d’une voix hésitante. Quelque chose m’est arrivé. Pendant que tu étais parti.

Thor la prit doucement par les Г©paules.

– Je sais ce qui t’est arrivé, dit-il. Ta mère me l’a dit. Tu n’as pas à avoir honte.

Gwendolyn leva vers lui un regard empli de surprise et d’émerveillement.

– Tu sais ? répéta-t-elle, stupéfaite

Thor hocha la tГЄte.

– Ça ne veut rien dire. Je t’aime autant qu’avant, peut-être même plus. Notre amour, c’est tout ce qui compte. Un amour invincible. Je te vengerai. Je tuerai Andronicus de mes mains. Et notre amour sera immortel.

Gwen se prГ©cipita dans ses bras et le serra fort, comme les larmes coulaient le long de son cou. Il sentit combien elle Г©tait soulagГ©e.

– Je t’aime, dit-elle contre son oreille.

– Je t’aime aussi, murmura-t-il.

Comme il la tenait contre lui, son cœur battit à tout rompre. Il voulut lui demander, là, tout de suite. Lui demander sa main. Mais il devait d’abord lui avouer son secret, lui dire qui était son père.

L’idée seule le rendait malade de honte et d’humiliation. Il venait juste de lui promettre de tuer l’homme qu’ils haïssaient tous les deux. Comment lui annoncer alors que cet homme, Andronicus, était en fait son père ?

Il eut soudain la certitude que Gwen le haïrait pour toujours. Il ne pouvait prendre le risque de la perdre. Pas après ce qui s’était passé. Il l’aimait trop.

Au lieu de cela, il plongea une main tremblante sous sa chemise et en retira le collier qu’il avait ramassé parmi les trésors des dragons : un pendentif en forme de cœur, orné de diamants et de rubis, attaché à une chaîne d’or. Il le fit miroiter sous la lumière du soleil et Gwen poussa un petit cri d’émerveillement.

Thor le lui attacha autour du cou.

– Une petite preuve de mon amour et de mon affection, dit-il.

Le bijou se mit Г  resplendir sur sa gorge.

L’anneau de Thor brûlait au fond de sa poche et il se promit de le lui donner quand le moment serait venu. Quand il aurait le courage de lui dire la vérité. Ce n’était pas encore l’heure…

– Tu vois, tu peux revenir, dit Thor en caressant la joue de Gwen. Tu dois revenir. Ton peuple a besoin de toi. Ils ont besoin d’un chef. L’Anneau n’est rien sans sa souveraine. Tu dois les guider. Andronicus rôde toujours. Nos cites doivent être reconstruites.

Il plongea son regard dans le sien et la sentit rГ©flГ©chir.

– Dis oui, la pressa-t-il. Reviens avec moi. Cette Tour n’est pas un endroit pour une jeune femme. L’Anneau a besoin de toi. Moi, j’ai besoin de toi.

Thor tendit la main et attendit.

Gwendolyn hГ©sita.

Enfin, elle prit sa main dans la sienne et son regard s’éclaira, s’éclaira, s’éclaira, illuminé par l’amour et la joie. Sous ses yeux, elle redevenait lentement la Gwendolyn qu’il avait connue, si pleine de vie, d’amour et de joie. On aurait dit une fleur qui s’ouvrait.

– Oui, dit-elle doucement.

Ils s’étreignirent et Thor se promit de ne plus jamais s’éloigner d’elle.




CHAPITRE SEPT


Erec ouvrit les yeux et se retrouva allongé entre les bras de Alistair. Il croisa immédiatement son regard cristallin, brillant d’amour. Un petit sourire étirait le coin de ses lèvres. Une douce chaleur émanait de ses mains et réchauffait le corps de Erec. Il se rendit compte soudain qu’il se sentait un homme nouveau, guéri, comme s’il n’avait jamais été blessé. Elle l’avait ramené d’entre les morts.

Erec s’assit sur son séant et dévisagea Alistair avec surprise, en se demandant une fois de plus qui elle était vraiment et d’où lui venaient de tels pouvoirs.

Il se frotta la tête et les souvenirs des derniers événements lui revinrent en mémoire : les hommes de Andronicus. L’attaque. La défense de la gorge. Le bloc de pierre.

Erec sauta sur ses pieds et tourna son regard vers les hommes qui l’entouraient, comme dans l’attente de sa résurrection – ou de son commandement. Le soulagement se lisait sur leurs visages.

– Combien de temps suis-je resté inconscient ? demanda-t-il brusquement à Alistair.

Il se sentit coupable d’avoir abandonné ses hommes si longtemps.

Elle lui adressa un sourire charmant.

– Une seconde à peine, dit-elle.

Comment était-ce possible ? Il se sentait reposé, comme s’il avait dormi des années. Une énergie nouvelle lui permit de courir jusqu’à la gorge pour admirer son travail : le bloc de pierre avait éclaté et obstruait maintenant l’entrée, empêchant les soldats impériaux de passer. Ils avaient fait l’impossible : ils avaient repoussé une armée bien plus forte que la leur. Pour l’instant, du moins.

Avant de fêter la victoire, Erec entendit soudain un cri. Il leva la tête. Là-haut, au sommet des falaises, l’un de ses hommes poussa un hurlement, puis bascula tête la première, avant de tomber mort en contrebas.

Erec aperçut alors la lance qui le transperçait. Des cris s’élevèrent à nouveau, de toutes parts cette fois. Sous les yeux ébahis de Erec, des soldats impériaux surgissaient au sommet de la montagne et se jetaient sur les hommes du Duc, rendant coup pour coup. Erec comprit immédiatement : le commandant avait divisé ses forces, une partie avait escaladé les montagnes pendant que l’autre traversait la gorge.

– TOUS AU SOMMET ! ordonna Erec. MONTEZ !

Les hommes le suivirent, l’épée au poing, sur les pentes abruptes de roc et de poussière. Plusieurs fois, Erec glissa et se rattrapa avant de se hisser à la force de ses bras. Il voulut courir mais il s’agissait plutôt d’escalade. Le fracas des armures résonnait autour de lui. Chaque pas était une bataille. Enfin, quelques hommes finirent par atteindre le sommet en se faufilant entre les rochers comme des chèvres de montagnes.

– ARCHERS !

Tout le long de la pente, les archers mirent un genou à terre pour tirer une volée de flèches, tuant plusieurs soldats impériaux qui basculèrent dans le vide. L’un d’eux faillit renverser Erec, qui l’évita adroitement. Un autre heurta un de ses hommes et l’emporta dans sa chute.

Les archers s’éparpillèrent le long de la falaise, prêts à tirer dès qu’un soldat sortirait la tête.

Cependant, il était difficile de viser, car les hommes se battaient maintenant au corps à corps et les flèches ne touchaient pas toujours leurs cibles. L’une d’elle se planta notamment, par accident, dans le dos d’un homme du Duc. Celui-ci poussa un cri déchirant et bascula. Son assaillant en profita pour le poignarder et le poussa. Exposé, il fut aussitôt transpercé à son tour par un tir de flèche.

Erec redoubla d’efforts et courut pour parcourir les derniers mètres qui le séparaient du sommet. Il glissa, tendit la main pour agripper une racine, resta un instant suspendu dans les airs avant de retrouver ses appuis. Il reprit sa course.

Erec atteignit le sommet avant les autres et se jeta dans la mêlée en poussant un cri de guerre, lame au clair, pressé de défendre ses hommes qui reculaient lentement devant l’ennemi. Il n’en restait plus que quelques douzaines, en sous nombre. À chaque seconde, des soldats impériaux surgissaient, toujours plus nombreux.

Erec se jeta dans la bataille comme un forcené, chargeant et tuant deux hommes à la fois, libérant les siens. Il n’en existait pas dans tout l’Anneau de plus rapide, ni de meilleur que lui. Une épée dans chaque main, Erec mit à profit tous ses talents de champion de l’Argent pour repousser l’Empire. Comme il tournoyait et abattait ses lames à droite et à gauche, il sema une vague de destruction, toujours plus loin entre les rangs ennemis, parant les coups, donnant des coups de tête.

Il les transperça comme un coup de vent, abattant une douzaine de soldats avant que ceux-ci n’aient eu la moindre chance de se défendre. Autour de lui, les hommes du Duc se rassemblèrent, secourus par les renforts que menaient Brandt et le Duc lui-même. Bientôt, la situation s’inversa et ils repoussèrent petit à petit les soldats impériaux, laissant des corps à leurs pieds.

Erec se débarrassa du dernier d’entre eux, en le repoussant vers le précipice avant de le faire tomber d’un coup de pied.

Erec et ses hommes en profitèrent pour reprendre leur souffle. Erec se dirigea alors vers le gouffre, pour apercevoir l’armée en contrebas. L’Empire avait cessé de leur envoyer des soldats, mais il avait le pressentiment que ce n’était pas faute d’effectif.

Jamais l’imagination de Erec n’aurait pu le préparer à un tel spectacle. Son cœur manqua un battement. Ils avaient tué plusieurs centaines d’hommes en bouchant la gorge, mais il restait encore plusieurs dizaines de milliers de soldats en contrebas.

Erec pouvait à peine y croire. La bataille leur avait demandé toute leur énergie et, pourtant, ils avaient à peine entamé l’immense armée. Au fur et à mesure que l’Empire enverrait ses bataillons, Erec et ses compagnons en tuerait peut-être quelques douzaines, quelques centaines… Mais ils finiraient par céder devant le nombre.

Erec se sentit soudain impuissant et démuni. Pour la première fois de sa vie, il eut la certitude qu’il allait mourir, ici et aujourd’hui. Rien ne le sauverait, cette fois. Il n’avait aucun regret. Il s’était défendu vaillamment et il n’existait pas de meilleure façon de mourir. Il referma son poing sur la poignée de son épée et se prépara mentalement. La seule chose qui le préoccupa fut la sécurité de Alistair.

Peut-être qu’il pourrait passer plus de temps avec elle, après la mort.

– Eh bien, c’était bien tenté, dit une voix.

Erec se tourna vers Brandt, qui avait parlé. La main sur le pommeau de son épée, son ami semblait aussi résigné que lui. Les deux hommes avaient affronté ensemble bien des batailles, souvent en sous nombre… Pourtant, c’était la première fois que Erec lisait cette résignation sur le visage de son ami. La mort était à leurs portes.

– Au moins, nous mourrons l’épée à la main, dit le Duc.

Ces mots trouvГЁrent un Г©cho dans les pensГ©es de Erec.

En contrebas, les soldats impériaux levèrent les yeux vers eux. Plusieurs milliers d’entre eux se rassemblaient et marchaient d’un même mouvement en direction de la montagne. Les archers mirent un genou à terre et Erec sut qu’il ne restait plus que quelques minutes avant le massacre. Il prit une grande inspiration.

Soudain, un cri strident retentit dans le ciel. Erec leva les yeux, en se demandant s’il perdait la tête. Un jour, il avait entendu un dragon rugir. Un bruit terrible qu’il n’avait jamais oublié après les Cent. Il n’aurait jamais imaginé l’entendre à nouveau. Se pouvait-il que… ? Un dragon ? Ici, dans l’Anneau ?

Erec renversa la tête et ce qu’il vit se grava pour toujours dans sa mémoire : un grand dragon violet écartant les nuages, battant ses ailes immenses. Erec en resta pétrifié d’effroi, plus que devant n’importe quelle armée.

Comme il y regardait à deux fois, il fut stupéfait d’apercevoir deux silhouettes sur le dos du monstre. Il finit par les reconnaître. Ses yeux lui jouaient-ils des tours ?

Thorgrin Г  califourchon et, derriГЁre lui, agrippant sa taille, la fille du Roi MacGil, Gwendolyn.

Avant que Erec n’ait eu le temps de comprendre, le dragon plongea comme un aigle en direction de la montagne. Il ouvrit la gueule et poussa un rugissement à fendre les pierres, qui fit trembler le sol. Il cracha alors son souffle brûlant. Erec n’avait encore jamais vu cela.

La vallée s’emplit des cris de terreur et de douleur des soldats impériaux. Vague après vague, le feu les engloutit et le paysage tout entier se peignit de flammes rouges. Thor dirigea sa monture sur les rangs de l’armée ennemie et les anéantit en l’espace d’un coup de tonnerre.

Les survivants prirent la fuite vers l’horizon, mais Thor se lança à leur poursuite.

En quelques minutes, tous les hommes en contrebas – ceux qui s’apprêtaient à signer l’arrêt de mort de Erec – étaient eux-mêmes partis en fumée. Il ne restait plus rien que des corps calcinés entre le feu et les flammes, des âmes disparues. L’armée ennemie n’était plus.

Erec leva un regard choqué vers le dragon qui s’éleva à nouveau dans les airs et les dépassa pour poursuivre son vol en direction du nord. Les hommes poussèrent des acclamations sur son passage.

Erec resta muet d’admiration devant l’héroïsme de Thor, le pouvoir de son dragon et l’étrange relation qui les unissait. Il venait de recevoir une seconde chance dans la vie, comme tous les autres. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit optimiste. Maintenant, ils avaient une chance. Même contre Andronicus et son million d’hommes. Avec une bête comme celle-ci, ils pourraient gagner la guerre.

– En avant marche ! ordonna Erec.

Il Г©tait dГ©cidГ© Г  suivre le dragon et son sillage au parfum de souffre, oГ№ que cette piste les mГЁne. Thorgrin Г©tait revenu. Il fallait se joindre Г  lui.




CHAPITRE HUIT


Sur le dos de son cheval, Kendrick chargea, entouré de ses hommes – des milliers d’entre massés autour de Vinesia, la grande ville qui abritait le bataillon de Andronicus. Une immense herse de fer barrait les portes de la cité. Les murs étaient épais et les soldats impériaux grouillaient comme des fourmis. Ils étaient bien plus nombreux et Kendrick ne bénéficiait plus de l’effet de surprise.

Pire encore, des renforts arrivaient par la plaine. Au moment même où Kendrick pensait les avoir, la situation venait de se renverser. L’armée impériale marchait à présent à la rencontre de Kendrick, en rangs ordonnés, disciplinés, comme une vague de destruction.

La seule solution aurait été de battre en retraire en direction de Silesia, puis de tenir la ville jusqu’à la défaite inévitable. Cependant, Kendrick avait déjà goûté à l’esclavage et ne comptait pas réessayer.

Ils n’étaient pas du genre à fuir, même en sous nombre. Ni Kendrick, ni ses braves compagnons de l’armée MacGil, de Silesia et de l’Argent. Ils se battraient jusqu’à la mort. Kendrick resserra sa prise sur la poignée de son épée et sut précisément ce qu’il devait faire.

Les soldats impГ©riaux poussГЁrent un fГ©roce cri de guerre et les hommes de Kendrick leur rГ©pondirent.

Ils dévalèrent en trombe le coteau à la rencontre de l’armée ennemie, tout en sachant qu’ils ne remporteraient pas la bataille. Les soldats impériaux accélérèrent l’allure pour les heurter de plein fouet. Kendrick sentit le vent dans ses cheveux, la vibration dans son épée et sut que ce n’était qu’une question de seconde. Bientôt, il se retrouverait à nouveau perdu au milieu du fracas métallique, ce rite d’épées immense et familier.

Il fut surpris d’entendre soudain un cri strident. Il renversa la tête pour balayer le ciel du regard et quelque chose dans les nuages l’interpella. Il avait déjà vu une fois Thor surgir sur le dos de Mycoples, mais la vue lui coupa le souffle. Cette fois-ci, Gwendolyn se trouvait avec lui.

Kendrick crut que son cЕ“ur allait Г©clater. Il comprit immГ©diatement ce qui allait se passer et sourit, levant son Г©pГ©e, avant de se jeter Г  corps perdu dans la bataille. Il rГ©alisait pour la premiГЁre fois que la victoire serait de leur cГґtГ©.


*

Thor et Gwen volaient sur le dos de Mycoples, à travers les nuages, comme ses grandes ailles battaient, plus vite, toujours plus vite. Thor sentit que Kendrick et les autres étaient en danger… Enfin, devant eux, les nuages s’ouvrirent sur le paysage : entre les collines verdoyantes de l’Anneau, un bataillon de Andronicus chargeait les hommes de Kendrick.

Thor pressa MycoplesВ :

– Plonge ! murmura-t-il.

Elle plongea et frôla le sol, si proche des collines que Thor aurait pu sauter en route. Elle ouvrit sa gueule et cracha une bordée de flammes brûlantes, qui envahirent les plaines. Les cris des soldats impériaux terrifiés s’élevèrent aussitôt, comme Mycoples semait une vague de destruction à nulle autre pareille, enflammant des kilomètres de campagne.

Les survivants prirent la fuite. Thor les laissa faire : Kendrick s’occuperait d’eux.

Il se tourna vers la ville et vit que des milliers de soldats demeuraient à l’intérieur. Malheureusement, l’espace était trop confiné, les murs trop hauts. Mycoples aurait du mal à manœuvrer. Des centaines d’archers mirent un genou à terre en emplirent le ciel d’une volée de flèches, puis de lances. Thor craignit pour la sécurité de Mycoples. Il sentit l’Épée de Destinée vibrer à son côté et sut que c’était une bataille qu’il devrait mener lui-même.

Il dirigea Mycoples vers les herses de fer, à l’entrée de la ville.

Comme elle se posait, il se pencha et murmura Г  son oreilleВ :

– Brûle les portes, puis je me débrouillerai seul.

Mycoples poussa un cri désapprobateur. Il était clair qu’elle voulait rester avec Thor et se battre avec lui, mais il ne la laisserait pas faire.

– Ce combat est le mien, insista-t-il, et tu dois veiller Gwen.

Mycoples eut l’air de céder. Soudain, elle renversa la tête et cracha son souffle brûlant vers les herses qui se mirent à fondre.

– Maintenant, file ! lui murmura Thor. Emporte Gwendolyn.

Il sauta à terre, l’Épée de Destinée à la main.

– Thor ! appela Gwen.

Mais il s’engouffrait déjà à travers les herses fondues. Il entendit Mycoples s’envoler et sut qu’elle emmènerait Gwen en sûreté.

Thor courut dans la cour, en direction du cœur de la cité et à travers les milliers d’hommes. L’Épée de Destinée vibrait au bout de son bras comme un être vivant. Il n’avait plus qu’à se laisser guider.

Son bras s’agita et s’abattit de tous côtés, enfonçant l’armée ennemie, tuant plusieurs douzaines de soldats d’un seul coup. Au début, l’Empire essaya de le repousser, mais Thor tailla les boucliers, les armures et les armes, comme si tout cela n’existait même pas. Les soldats impériaux finirent par comprendre qu’ils affrontaient un être magique, une vague de destruction invincible.

Un vent de panique se propagea et les soldats tournèrent les talons pour prendre la fuite. En vérité, ils n’avaient nulle part où aller. Thor, guidé par l’Épée, fut trop rapide pour eux, parcourant la cité à la vitesse de l’éclair. Les soldats, pris de panique, finirent par se piétiner les uns les autres en essayant d’escalader les murs.

Thor ne les laissa pas s’échapper. Il courut aux quatre coins de la ville, investi d’une force surnaturelle, motivé par une soif de vengeance en songeant à Gwendolyn et à ce que Andronicus lui avait fait subir. Il tua les soldats, l’un après l’autre. Il était temps de faire justice.

Andronicus. Son père. Cette pensée le consumait. À chaque coup d’épée, Thor s’imagina que c’était lui qu’il tuait, supprimant ainsi toute trace de son héritage. Thor voulait être quelqu’un d’autre, venir de quelqu’un d’autre. Il voulait un père dont il pourrait être fier. N’importe qui, sauf Andronicus. S’il tuait assez d’hommes, peut-être finirait-il par se libérer de lui.

Dans un état second, Thor combattit avec rage, jusqu’à soudain se rendre compte qu’il n’affrontait plus que le vide. Tous les soldats gisaient à terre, morts, de tous côtés. Il ne restait plus personne à tuer.

Thor demeura seul, debout au milieu de la cour, la respiration pénible, l’Épée étincelante dans sa main.

Il entendit alors des acclamations lointaines et courut vers les portes. Au loin, les hommes de Kendrick poursuivaient les derniers soldats en fuite.

Comme Thor quittait la cité en trombe, Mycoples l’aperçut et descendit vers lui. Il monta sur son dos, devant Gwen, et ils s’élevèrent à nouveau dans le ciel.

Ils survolèrent l’armée de Kendrick. D’ici, on aurait dit des fourmis. Ils poussèrent des acclamations sur le passage du dragon. Thor poussa Mycoples vers les premières lignes, devant les restes épars des légions impériales.

– Plonge, murmura Thor.

Ils plongèrent à la poursuite des soldats impériaux et Mycoples souffla sur eux son souffle enflammé. Le mur de flammes les engloutit, un rang après l’autre, au milieu des cris.

BientГґt, il ne resta plus rien.

Ils poursuivirent leur vol à travers les plaines : Thor voulait s’assurer que tous étaient bien morts. Au loin, il aperçut la haute chaîne de montagnes, les Highlands qui séparaient l’est et l’ouest de l’Anneau. En contrebas, il ne restait pas un seul soldat vivant et Thor en fut satisfait.

Le Royaume Occidental de l’Anneau avait été libéré. Ils en avaient assez fait pour aujourd’hui. Le soleil se couchait et ce qu’il y avait au-delà des montagnes pouvait bien y rester pour le moment.

Thor fit demi-tour pour retrouver Kendrick. La campagne fila sous ses yeux et, bientГґt, il entendit Г  nouveau les acclamations des hommes tournГ©s vers le ciel. Ils chantaient son nom.

Il se posa, mit pied Г  terre et aida Gwendolyn Г  descendre.

Le large groupe les étreignit, porté par un cri de victoire. Kendrick, Godfrey, Reece et ses autres frères de Légion ou de l’Argent, tous ses êtres chers se précipitèrent pour les embrasser.

Enfin, ils Г©taient ensemble, unis.

Libres.




CHAPITRE NEUF


Andronicus marchait d’un pas rageur entre les tentes. D’un mouvement de colère, il décapita d’un coup de griffes un jeune soldat sur son chemin, puis un autre, et un autre, jusqu’à ce que les hommes aient l’idée lumineuse de rester loin de lui. Ils auraient dû savoir qu’il n’était jamais bon de rester dans les parages quand il était dans cet état-là.

Les soldats s’écartèrent sur son passage. Même ses généraux observaient une distance de sécurité : ils savaient qu’il était dangereux de l’approcher.

La défaite, c’était une chose. Mais une telle défaite… La pire défaite dans toute l’histoire de l’Empire. Andronicus n’avait jamais connu cela. Toute sa vie avait été une suite de victoires, toutes plus violentes et satisfaisantes les unes que les autres. Jusqu’à aujourd’hui, le goût de la défaite lui avait été inconnu. Maintenant qu’il en connaissait l’amertume, il la détestait.

Le fil des événements se déroulait, encore et encore, dans son esprit. Hier, sa victoire avait été totale. Il avait détruit la Cour du Roi et conquis Silesia. Il avait asservi les MacGils et humilié leur souveraine, Gwendolyn. Il avait torturé leurs meilleurs soldats et tué Kolk. Kendrick et les autres étaient prêts à suivre leur camarade…Argon s’était mêlé de leurs affaires. Il avait emporté Gwendolyn avant qu’il n’ait eu le temps de la tuer. Andronicus avait presque réparé cette erreur. Il n’aurait eu besoin que d’une journée supplémentaire pour rencontrer pour de bon l’histoire et la gloire.

Brusquement, tout avait changé. Thor était apparu, juché sur ce dragon. Il était descendu comme un nuage, en soufflant des flammes et en brandissant l’Épée de Destinée qui avait décimé les hommes. Andronicus avait tout vu. Il avait eu la présence d’esprit de se réfugier de l’autre côté des Highlands, en attendant les rapports des éclaireurs. Au sud, près de Savaria, tout un bataillon avait été anéanti. Du côté de la Cour du Roi et de Silesia, la situation était tout aussi dramatique. À présent, tout le Royaume Occidental avait été libéré. Inconcevable.

Il bouillait intérieurement en pensant à l’Épée de Destinée. Il avait été difficile de la faire sortir de l’Anneau. Maintenant, elle était de retour et le Bouclier s’élevait à nouveau autour d’eux. Andronicus était pris au piège. Il pouvait partir mais il ne pouvait pas appeler de renforts. De ce côté des Highlands, il avait environ cinq cent mille hommes. Un nombre suffisant pour s’opposer aux MacGils… Mais contre Thor, l’Épée de Destinée et ce dragon, les chiffres importaient peu. La situation était contre lui. C’était la première fois que Andronicus se retrouvait dans cette position.

Par-dessus le marchГ©, ses espions lui avaient signalГ© que la capitale impГ©riale Г©tait en alerte et que Romulus complotait pour lui prendre le trГґne.

Andronicus grogna de rage en parcourant le campement, à la recherche d’une idée ou d’un coupable à blâmer. Bien sûr, un commandant avisé aurait sonné la retraite pour se sauvegarder de Thor et de son dragon. Il aurait sauvé leurs dernières forces et fait voile vers l’Empire pour reprendre son trône. Après tout, l’Anneau n’était qu’un flocon comparé à la taille de l’Empire et tout grand commandant a droit à la défaite. Il était suffisant de régner sur quatre-vingt-dix-neuf pourcents du monde.

Toutefois, ce n’était pas le caractère du Grand Andronicus, qui n’était ni prudent, ni satisfait de rien. Il suivait ses passions. Il savait qu’il prenait un risque en restant, mais il n’était pas prêt à admettre la défaite, ni à laisser l’Anneau lui filer entre les doigts. Il trouverait le moyen de les briser, même si cela signifiait sacrifier l’Empire. Peu importaient les risques.

Andronicus ne pouvait contrôler ni le dragon, ni l’Épée, mais Thorgrin… C’était autre chose. Son fils.

Andronicus s’arrêta un instant et soupira. Quelle ironie : son propre fils, le dernier obstacle qui s’opposait à sa domination totale du monde. D’une certaine façon, cela semblait approprié. Inévitable. Bien sûr, ceux qui nous sont les plus proches sont ceux qui nous blessent le plus.

Il se rappela la prophétie. Il avait commis une erreur en laissant vivre son fils. La plus terrible erreur de sa vie. Il avait toujours eu un faible pour lui, même si la prophétie l’avait désigné comme celui qui mettrait fin à son règne. Il l’avait laissé vivre. Il était temps d’en payer le prix.

Andronicus se remit à marcher dans le campement, flanqué de ses généraux, jusqu’à atteindre une petite tente écarlate un peu éloignée des autres. Une seule personne ici avait l’audace de choisir une telle couleur, au lieu de se conformer au noir et à l’or de l’Empire… Le seul homme que ses hommes craignaient.

Rafi.

Le sorcier personnel de Andronicus. La plus sinistre créature qu’il ait jamais rencontrée. Rafi avait conseillé Andronicus toute de sa vie, tout en le protégeant avec sa magie maléfique. Plus que tout autre, il l’avait aidé à bâtir son Empire. L’idée de lui demander conseil et d’admettre devant lui son impuissance répugnait Andronicus. Cependant, face à un obstacle de nature surnaturelle, il finissait toujours par le faire.

Comme Andronicus approchait de la tente, deux crГ©atures dГ©moniaques, longues et fines, enveloppГ©es dans des capes Г©carlates qui ne laissaient apparaГ®tre que deux yeux jaunes protubГ©rants, lui barrГЁrent la route. Les seules crГ©atures qui osaient lui manquer ainsi de respect.

– Je souhaite voir Rafi, dit Andronicus.

Les deux créatures, sans même tourner la tête, tendirent chacune un bras pour écarter les pans de la tente. Une odeur méphitique s’échappa et Andronicus eut un mouvement de recul.

Il attendit longtemps, ses gГ©nГ©raux derriГЁre lui. Un silence de plomb rГ©gnait dans tout le campement.

Enfin, de la tente sortit une créature maigre, de haute taille, deux fois plus grande que Andronicus, fine comme une branche d’olivier, vêtue de robes écarlates, le visage presque invisible sous la capuche.

Rafi fixa du regard Andronicus qui aperçut à peine ses yeux jaunes sous ses paupières très pâles.

Il y eut un silence tendu.

Andronicus fit un pas en avant.

– Je veux que Thorgrin meure, dit-il.

Au bout d’un long silence, Rafi ricana. C’était un son profond et sinistre.

– Les pères et leurs fils, dit-il. C’est toujours pareil.

Andronicus se sentit bouillir d’impatience.

– Peux-tu m’aider ? pressa-t-il.

Rafi resta muet longtemps, si longtemps que Andronicus dut se retenir pour ne pas l’étrangler. Il savait, toutefois, que le geste aurait été vain. Une fois, de rage, Andronicus avait essayé de le poignarder et, avant même de le toucher, il avait vu son épée se dissoudre sous ses yeux. La poignée lui avait également brûlé la paume de la main. Il avait mis des mois à se remettre de la blessure.

Il se contenta donc de ronger son frein, en silence.

Enfin, un ronronnement s’échappa de la capuche de Rafi.

– Les énergies qui entourent le garçon sont très puissantes, dit-il doucement, mais tout homme a une faiblesse. La magie a fait de lui ce qu’il est. La magie peut détruire ce qu’il est.

Andronicus, intriguГ©, fit un pas en avant.

– De quelle magie parles-tu ?

Rafi marqua une pause.

– Un genre de magie que tu ne connais pas, répondit-il. Un genre de magie réservé aux êtres comme Thor. Il est ton problème, mais il est aussi plus que cela. Il est plus puissant que toi. S’il reste en vie.

Andronicus se sentit bouillir.

– Dis-moi comment le capturer, ordonna-t-il.

Rafi secoua la tГЄte.

– Cela a toujours été ta faiblesse, dit-il. Tu préfères capturer, au lieu de tuer.

– Je veux le capturer d’abord, répliqua Andronicus. Puis je vais le tuer. Y a-t-il un moyen ?

Il y eut Г  nouveau un long silence.

– Il y a un moyen de lui retirer ses pouvoirs, dit Rafi. Si tu l’éloignes de sa précieuse Épée et de son dragon, il redeviendra un garçon comme les autres.

– Montre-moi comment je peux faire ça, ordonna Andronicus.

Il y eut un long silence.

– Quel est ton prix ? répliqua Rafi.

– Tout ce que tu veux. Je te donnerai ce que tu voudras.

Rafi ricana.

– Un jour, tu le regretteras, répondit-il. Tu le regretteras terriblement.




CHAPITRE DIX


Comme Romulus descendait la route méticuleusement pavée de briques dorées qui menait à Volusia, la capitale impériale, les soldats se mirent au garde-à-vous sur son passage. Romulus passa en revue le reste de son armée, réduite à quelques centaines de soldats après l’attaque des dragons.

Il bouillait de rage. C’était une marche de la honte. Toute sa vie, il avait connu la victoire et paradé en héros. Maintenant, tout n’était plus que silence et embarras. Au lieu de ramener des trophées, ils ramenaient des soldats vaincus.

Cette pensée le brûlait de l’intérieur. Il avait été sot d’aller si loin à la poursuite de l’Épée, sot de se frotter aux dragons. Son orgueil l’avait poussé à la folie. Il aurait dû savoir… Il avait eu de la chance de s’en tirer sans trop de dommages. Il pouvait encore entendre ses hommes crier et respirer l’odeur de chair brûlée.

Ses hommes avaient combattu bravement, en marchant vers la mort sur son ordre. Quand il les avait vu mourir par milliers, Romulus avait compris qu’il était temps de fuir. Les survivants s’étaient ensuite cachés longtemps dans le tunnel avant de reprendre le chemin de la capitale.

Ils arrivaient à présent devant les portes de la cité qui s’élevaient à quelques centaines de mètres vers le ciel. Une cité légendaire, pavée d’or, entre les rues de laquelle se croisaient des milliers de soldats impériaux, qui se mettaient au garde-à-vous sur son passage. Après tout, Romulus était de facto le chef de l’Empire et le plus respecté de tous les guerriers. Du moins jusqu’à sa défaite. Il ignorait comment son peuple le regarderait à présent.

La défaite n’aurait pu arriver à un pire moment. Le moment que Romulus avait choisi pour préparer son coup d’état et prendre le pouvoir. Comme il marchait dans les rues de la ville, devant les fontaines et les sentiers méticuleusement pavés, les serviteurs et les esclaves, il enrageait en songeant qu’au lieu de revenir avec plus de pouvoir qu’avant, il revenait en position de faiblesse. Maintenant, il lui serait impossible de réclamer le trône, il lui faudrait au contraire présenter ses excuses au Grand Conseil en espérant qu’il ne perdrait pas sa place.

Le Grand Conseil. L’idée faisait frémir Romulus. Il n’avait de comptes à rendre à personne, certainement pas à un conseil composé de civils qui n’avaient jamais tenu une épée de leur vie. Les douze provinces de l’Empire envoyaient chacune deux députés. En tout, deux douzaines d’hommes venus des quatre coins de l’Empire. En théorie, ils gouvernaient le pays. En pratique, Andronicus faisait ce qu’il voulait et le Conseil entérinait ses exactions.

Quand Andronicus avait quitté l’Anneau, il avait donné au Conseil plus d’autorité que celui-ci n’en avait jamais eu. Sans doute, il l’avait fait pour se protéger de Romulus et d’un éventuel coup d’état et pour s’assurer de garder son trône, mais son geste avait rendu le Conseil audacieux : les députés se comportaient maintenant comme s’ils avaient une quelconque autorité sur Romulus… Et Romulus allait devoir parler à ces sbires que Andronicus avait choisi tout spécialement pour lui mener la vie dure. Le conseil utilisait n’importe quelle excuse pour conforter Andronicus et affaiblir toute menace, notamment celle que représentait Romulus. Et maintenant cette défaite contre les dragons… Pour les députés, l’occasion serait trop belle.

Romulus poursuivit son chemin dans les rues de la capitale, en direction du capitole, un grand bâtiment cylindrique, noir, entouré de colonnes dorées et coiffé d’un dôme du même éclat. Les bannières de l’Empire flottaient au sommet et l’emblème – un lion tenant un aigle dans la gueule – était gravé sur les portes.

Quand Romulus se mit à monter l’escalier doré, ses hommes s’arrêtèrent dans la cour. Il poursuivit seul, montant les marches trois par trois, dans un cliquetis d’armes et d’armures.

Il fallut qu’une douzaine de serviteurs ouvrent les portes massives, hautes de quinze mètres chacune, toutes en or et cloutées de noir. Romulus sentit une brise froide le balayer et hérisser les cheveux sur sa nuque quand il fit un pas à l’intérieur. Les lourdes portes se refermèrent derrière lui et il eut l’impression, comme toujours en entrant dans ce bâtiment, d’entrer dans son propre tombeau.

Romulus s’avança sur le sol en marbre, mâchoires serrées, le bruit de ses bottes se répercutant sur les murs. Il voulait en finir avec cette entrevue pour pouvoir s’occuper de choses plus importantes. Il avait entendu des rumeurs à propos d’une arme fantastique et il voulait savoir si c’était vrai. Si ça l’était, la balance du pouvoir pourrait bientôt se renverser. Andronicus et son Conseil perdraient tout leur pouvoir. L’Empire se retrouverait enfin entre les mains de Romulus. Cette pensée était la seule chose qui lui donnait du courage, comme il montait une autre volée de marche jusqu’aux lourdes portes menant au Grand Conseil.

La vaste chambre était plongée dans une obscurité sinistre. Il n’y avait qu’une grande table ronde au milieu et, autour d’elle, vingt-quatre robes noires qu’habitaient des hommes aux yeux rouges et aux cornes grises. Quelle humiliation pour Romulus de devoir répondre à ces hommes… Tout ici était fait pour qu’il se sente tout petit.

Romulus s’arrêta au milieu de la pièce et garda le silence, dévoré de l’intérieur. Il fut tenté de faire volte-face mais il réussit à se contenir.

– Romulus de la Légion Octakin, annonça formellement l’un des membres de Conseil.

Romulus se tourna vers le député qui avait parlé, un vieillard maigre aux jours creuses et aux cheveux grisonnants qui le fixait de son regard rougeoyant. Un sbire de Andronicus. Romulus sut immédiatement qu’il parlerait en faveur de celui-ci.

Le vieillard se racla la gorge.

– Vous revenez à Volusia après une défaite. Une disgrâce. Vous avez du culot de vous présenter devant nous.

– Vous êtes devenu inutilement téméraire, renchérit un autre député.

Romulus se retourna pour croiser son regard mГ©prisant.

– Vous avez perdu des milliers d’hommes au cours de votre quête, en affrontant des dragons. Vous avez échoué devant l’Empire et devant le Grand Andronicus. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

Romulus renvoya leur regard.

– Je ne m’excuse de rien, dit-il. Retrouver l’Épée était d’une importance vitale.

Un autre vieillard se pencha en avantВ :

– Mais vous ne l’avez pas récupérée, n’est-ce pas ?

Romulus s’empourpra. Il aurait tué cet homme s’il avait pu.

– Presque, répondit-il enfin.

– Presque, cela ne veut rien dire.

– Nous nous sommes heurtés à de nombreux obstacles.

– Des dragons ?

Romulus se tourna vers le dГ©putГ© qui avait parlГ©.

– Quelle folie vous a poussé ? ajouta celui-ci. Vous pensiez vraiment que vous pourriez gagner ?

Romulus s’éclaircit la gorge, de plus en plus agacé.

– Non. Mon but n’était pas de tuer les dragons mais de récupérer l’Épée.

– Vous ne l’avez pas fait.

– Pire encore, dit un autre, vous avez attiré les dragons hors de leur tanière. On nous rapporte des attaques dans tout l’Empire. Vous avez commencé une guerre que nous ne pouvons pas gagner. C’est une terrible nouvelle pour l’Empire.

Romulus s’arrêta de répondre : cela ne faisait que déclencher de nouvelles récriminations. Après tout, ses députés étaient à la botte de Andronicus.

– Il est bien dommage que le Grand Andronicus ne soit pas là pour vous châtier lui-même, dit un député. Je suis certain qu’il ne vous laisserait pas vivre.

Il se racla la gorge et se renversa sur son siГЁge.

– Mais nous devons attendre son retour. Pour le moment, vous garderez le contrôle de l’armée et vous enverrez des navires en renforts au Grand Andronicus. Quand ce sera fait, vous serez dépouillé de votre rang et de vos armes et vous attendrez les ordres.

Romulus les dГ©visagea, stupГ©fait.

– Soyez satisfait de ne pas être exécuté sur le champ, dit un autre député.

Romulus serra les poings et sentit qu’il devenait violet de colère. Il jura de tuer ces députés jusqu’au dernier d’entre eux, mais il se força à rester calme pour le moment. Un massacre, aussi satisfaisant qu’il puisse être, ne l’aiderait pas à prendre le pouvoir.

Il tourna les talons et quitta la salle en trombe. Le bruit de ses bottes rГ©sonna sous le dГґme. Les serviteurs refermГЁrent en claquant les portes derriГЁre lui.

Il sortit du capitole, descendit les marches dorées jusqu’à rejoindre ses hommes et s’adressa à son second.

– Monsieur, dit ce dernier en s’inclinant, quels sont vos ordres ?

Romulus lui renvoya son regard, en rГ©flГ©chissant. Bien sГ»r, il ne pouvait pas obГ©ir aux ordres. Au contraire, il voulait les dГ©fier.

– Le Conseil demande à tous les navires impériaux en mer de retourner au port.

Le gГ©nГ©ral Г©carquilla les yeux.

– Mais, Monsieur, cela revient à abandonner le Grand Andronicus dans l’Anneau, sans moyen de rentrer.

Romulus lui jeta un regard glaçant.

– Ne questionne pas mes ordres, dit-il d’un ton sec.

Le général s’inclina.

– Bien sûr, Monsieur. Pardonnez-moi.

Le commandant fila. Romulus savait qu’il exécuterait les ordres. C’était un soldat fidèle et obéissant.

Il sourit pour lui-même. Comme le Conseil avait été stupide de penser que Romulus ferait ce qu’on lui demandait… Ces députés l’avaient grandement sous-estimé. Après tout, personne ici n’avait le pouvoir de le rétrograder. Le temps qu’ils résolvent ce problème, Romulus mettrait son plan à exécution. Andronicus était grand, mais Romulus était plus grand encore.

Un homme se tenait au coin de la place, vêtu d’une robe d’un vert brillant, la capuche baissée sur son visage jaune muni de quatre yeux. Il avait de grandes mains fines au bout desquelles s’agitaient des doigts aussi longs que le bras de Romulus. Un Wokable. Il attendait patiemment. Romulus n’amait pas tellement ceux de son espèce, mais il fallait parfois en passer par-là.

Romulus marcha vers lui, parcouru de frissons de dégoût et d’horreur devant ces quatre yeux. La créature tendit un de ses doigts interminables et toucha sa poitrine. Romulus s’arrêta net.

– Nous avons trouvé ce que tu voulais, dit le Wokable en émettant d’étranges bruits de gorge. Mais cela va te coûter cher.

– Je payerai, dit Romulus.

La crГ©ature marqua une pause, comme pour se dГ©cider.

– Tu dois venir seul.

Romulus rГ©flГ©chit.

– Comment puis-je savoir que vous ne mentez pas ?

La crГ©ature se pencha et esquissa ce qui ressemblait presque Г  un sourire. Romulus frissonna en apercevant les centaines de petites dents aiguisГ©es.

– Tu ne peux pas, dit-il.

Romulus le regarda dans ses quatre yeux. Il savait qu’il ne fallait pas faire confiance à cette créature, mais il devait essayer. La créature avait peut-être en sa possession ce que Romulus cherchait depuis toujours : une arme mythique qui, selon la légende, pouvait abaisser le Bouclier et permettre à une armée de traverser le Canyon.

La créature tourna les talons et commença à s’éloigner, laissant derrière lui Romulus qui réfléchissait encore.

Enfin, celui-ci lui emboГ®ta le pas.




CHAPITRE ONZE


Gwendolyn volait sur le dos de Mycoples, derrière Thor contre lequel elle se serrait. Le vent ébouriffait ses cheveux. Il faisait froid, mais c’était vivifiant. Gwen commençait à se sentir vivante à nouveau.

En fait, elle ne s’était jamais sentie aussi heureuse. Tout semblait soudain parfait en ce monde. Son bébé gigotait dans son ventre, tout à sa joie d’être si près de son père. Gwen brûlait d’annoncer la nouvelle à Thor mais elle voulait que le moment soit parfait. Depuis qu’ils avaient quittés la Tour du Refuge, elle ne l’avait pas encore trouvé.

Tout n’avait été qu’un enchaînement de batailles et d’aventures, comme tous deux volaient sur le dos de Mycoples. Gwendolyn avait regardé d’un air émerveillé la bête souffler des flammes sur l’armée de Andronicus. Elle ne ressentait aucune pitié mais, au contraire, une satisfaction de voir son désir de vengeance assouvi. À chaque soldat impérial tué, chaque ville libérée, elle avait l’impression que l’ordre du monde était restauré. Après les défaites, il était bon d’être enfin victorieux.

Après avoir libéré Vinesia, Kendrick et ses hommes retournaient à Silesia. Gwendolyn et Thor avaient décidé d’y aller en volant, puis de retrouver leurs compagnons là-bas. Sur le dos de Mycoples, ils allaient plus vite que des chevaux et il n’y avait pas un instant à perdre. Thor avait voulu faire un tour du Royaume Occidental et Gwen regardait en contrebas, avec une immense satisfaction, les bataillons de Andronicus anéantis, jonchant la campagne entre les Highlands et le Canyon. Le pays était libre.

Bien sûr, la moitié de l’armée impériale se trouvait toujours de l’autre côté des montagnes, mais Gwendolyn préférait ne pas s’en inquiéter pour le moment. La victoire serait pour demain. Andronicus n’aurait pas d’autre choix que de se rendre, ou bien de mourir dans la défaite.

Pour la première fois depuis longtemps, Gwen n’avait pas besoin de s’inquiéter. Au contraire, il était temps de célébrer la victoire. Mycoples battit ses ailes immenses sous les yeux émerveillés de Gwendolyn, qui réalisait à peine qu’elle volait bel et bien sur le dos d’un dragon.

Elle se serra contre Thor. Quel moment romantique… Ils survolaient l’Anneau, les montagnes, les vallées et les collines verdoyantes. Bientôt, ils atteignirent le Canyon. Au loin, resplendissait l’étendue jaune du Tartuvien. Les brumes tourbillonnantes s’élevaient devant les soleils couchants et Gwen en eut le souffle coupé. Le Canyon semblait aussi grand que le monde.

Ils prirent enfin le chemin de Silesia et le cœur de Gwen battit à tout rompre à l’idée de revoir les siens. Avant l’arrivée de Thor, elle avait été si nerveuse de leur faire face. À présent, elle n’avait plus honte et se sentait au contraire pleine de joie et de fierté. Elle comprenait enfin les mots sages de Argon : ce qui lui était arrivé n’avait rien à voir avec la personne qu’elle était et ne la définissait pas. Elle avait toute la vie devant elle et le pouvoir de choisir d’être heureuse. Elle avait décidé de vivre. Cela serait sa revanche. Elle ne laisserait rien l’abattre.

Des volutes multicolores illuminaient la brume et elle songea que c’était l’instant le plus romantique de sa vie. Elle se réjouit de le partager avec Thor. Elle ne pouvait plus attendre : dès qu’ils se seraient posés, dès qu’ils seraient seuls, elle lui dirait qu’elle était enceinte. Elle sentait que Thor voulait également lui avouer quelque chose et se demandait s’il allait lui demander sa main. Elle sourit à l’idée, en frétillant presque d’impatience.

Ils survolèrent la Cour du Roi et le cœur de Gwendolyn manqua un battement en apercevant les ruines de la ville autrefois glorieuse, les murs effondrés, les maisons abandonnées, les fontaines et les statues renversées. Au moins, les murailles avaient tenu bon : écroulées ça et là, elles se dressaient encore malgré tout. Gwen sentit un élan de détermination la traverser. Elle fit le vœu de reconstruire la Cour du Roi. Elle la rebâtirait plus grande qu’auparavant. Un bastion d’espoir. Tous sauraient que l’Anneau avait survécu et qu’il le ferait encore pendant des siècles.




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